Emois, et moi...

Lettre à mon père

Première fête des pères sans toi.

C’est pas que tu y tenais tant que ça à cette fête mais c’était juste un prétexte pour venir te voir, te faire un cadeau et t’embrasser.

Cette année, pour la première fois, j’irai sur ta tombe pour te la souhaiter.

C’est pas pareil. On ne peut pas te toucher, pas t’embrasser. Juste te parler, et encore, je ne peux pas te dire haute voix « bonne fête Papa ! ». Je vais donc me limiter à te parler dans ma tête, te dire que je t’aime, que tu me manques beaucoup. Vraiment beaucoup. Chaque jour, je pense à toi et je trouve cette vie bien cruelle de t’avoir enlevé. J’avais encore tant de choses à te dire, à partager avec toi. Je vais devoir le faire autrement. Je le fais déjà.

Souvent, je me demande ce que tu penserais de telle ou telle chose, comment tu réagirais à tel événement, et cela m’aide car je te connaissais bien, et c’est un peu comme si tu étais là et que tu me disais quoi faire ou quoi dire.

Quand un parent part, on devient une deuxième fois adulte. La première fois, on était jeune et ça nous semblait normal de s’échapper de l’adolescence. Mais, la présence des parents nous faisait garder un pied dedans. Lorsqu’ils s’en vont, c’est un peu comme s’ils nous donnaient les clefs, on devient le gardien de la famille à notre tour et les rôles sont redistribués.

Je sais que tout ça est normal. Pour autant, je ne l’ai pas encore accepté tout à fait. Et puis, il y a Maman. Elle est devenue une autre ; les gens qui, comme moi, la connaissent depuis toujours ont du mal à la reconnaître. Elle qui était si dynamique devient l’ombre d’elle-même. Depuis que tu es parti, Maman ne s’intéresse plus à rien. Elle s’ennuie et passe son temps devant la télé. Ca commence le matin avec le téléshopping et ça continue toute la journée, avec les jeux et les petits feuilletons qui s’enchaînent jusqu’au soir. Elle attend de te rejoindre. On prend soin d’elle mais je sais que ça ne suffit, et que ça ne compensera jamais ta présence. On essaye de faire au mieux.

Je ne suis pas croyante, savoir s’il y a ou non une force supérieure qui nous dirige m’indiffère et pourtant, j’aime croire que tu me vois, que tu m’entends et que, de là-haut, tu prends soin de moi. Je sais que Maman va te rejoindre un jour prochain et j’espère que tu ne l’appelleras pas trop tôt. Laisse-la nous encore un peu.

Je te laisse pour aujourd’hui. Je t’embrasse